Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, II.djvu/64

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
60

— Carmen, vous êtes bien méchante ; vous êtes cause que ce malheureux deviendra tout à fait fou.

— Eh ! la grande perte que ferait le pays ! Un pareil homme suffit pour déshonorer la ville où il est né. N’est-ce pas révoltant de voir un millionnaire, couvert des haillons de la misère, entasser toujours pour ne jamais jouir, et priver les malheureux de travail en enfouissant ses richesses. La ville renferme cinq ou six individus énormément riches, et c’est à qui d’entre eux sera le plus cancre ; ce sont autant de sangsues qui aspirent incessamment l’or et l’argent de la société et ne lui en rendent rien.

L’indignation de Carmen était fondée. Dans les pays où l’argent, comme véhicule du travail, est mis par l’établissement des banques usant de papiers monétaires à la portée de tous ceux qui ont de l’industrie, l’avare est un fou dont tout le monde se rit ; mais, dans les pays arriérés, où l’or a conservé toute sa puissance, l’avare est un ennemi public qui arrête la circulation de la monnaie et rend le travail onéreux ou impossible même par l’exorbitance de ses exigences ; qu’on ne s’étonne donc pas que les masses exploitées par la cupidité de quel-