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viendrez roi. Par sa dignité, votre frère est ici le premier, comme vous l’êtes par vos richesses. Cette position éminente, la retrouveriez-vous en France, où le nombre des grandes fortunes ne permet pas qu’on en distingue aucune ?

— Ah ! dona Carmen, l’avantage d’être quelque chose dans un pays de révolution coûte trop cher pour qu’on ne préfère pas l’obscurité à la vaine jouissance d’une pareille distinction. Songez à ce que nous a coûté chaque apparition d’un nouveau gouvernement ; le libertador Bolivar a enlevé à notre maison 40,000 piastres, le général Sucre, 30,000, San Martin, tout ce que mon frère Mariano possédait à Lima, et maintenant voilà Nicto et Baldivia qui ont pris à tâche de nous ruiner,

— Cousin, il faut un peu de philosophie. Les billets gagnants et perdants sortent de la roue de la fortune ; on ne peut toujours se saisir des premiers. Votre père est venu dans ce pays sans rien ; il y a amassé de grands biens ; votre frère, don Emmanuel, aujourd’hui comte de Guaqui, a, dit-on, 20 millions à lui ; tout cela provient du Pérou : croyez-vous réellement, don Juan, que si votre père fût resté en Bis-