Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, II.djvu/9

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nonce en elle la femme pieuse, modeste, sans ambition. Joaquina s’est fait un sourire affable, un son de voix flatteur pour aborder tous les partis qui se disputent le pouvoir. Ses manières sont simples ; son esprit, qu’elle tient constamment en bride, est délié, son éloquence persuasive, et ses beaux yeux se remplissent de larmes à la moindre émotion. Si cette femme se fût trouvée placée dans une situation en rapport avec ses capacités, c’eût été un des personnages les plus remarquables de l’époque. Son caractère s’est modelé sur les mœurs péruviennes.

Dès la première vue, Joaquina m’inspira une répulsion instinctive. Je me suis toujours méfiée des personnes dont le gracieux sourire n’est pas en harmonie avec le regard. Ma tante offre à l’œil exercé la représentation de cette discordance, malgré le soin qu’elle apporte à accorder le son de sa voix avec le sourire de ses lèvres. Sa politique fait l’admiration de tous ceux qui la connaissent ; car, au Pérou, ce qu’on estime le plus, c’est la fausseté. Un jour, Carmen, après m’avoir fait l’énumération de tous les meilleurs diplomates du pays, me dit, avec un soupir d’envie : — Mais aucun de ceux que je viens de vous citer n’égale Joa-