Page:Floran - Femme de lettres.pdf/11

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chose pour moi, vous êtes la joie et l’orgueil de ma vie, mon rayon de soleil et le plaisir de mes yeux : ce n’est rien, cela ?…

— Ce n’est pas assez, dit Jeannine.

— Si, reprit sa mère avec autorité, si, pour le moment du moins ; plus tard, nous verrons !



II


Mme Tébesson n’avait point toujours écrit, et les douloureuses circonstances qui lui avaient fait prendre la plume remontaient à huit années.

Un auteur féminin a dit, avec la plus autorisée des expériences, ce qu’il pensait de la carrière de femme de lettres[1] : « C’est un divertissement pour quelques-unes, une gloriole, une pose, une affiche ou un passe-partout pour d’autres ; un ridicule pour presque toutes et un calvaire pour le plus grand nombre, celles qui ont pris une plume pour se vider le cœur de quelque peine secrète, ou bien parce qu’elles ne savaient aucun métier pour gagner proprement leur vie. »

C’était cette dernière raison qui avait décidé de la tardive vocation d’écrivain de Mme Tébesson.

Un coup d’œil sur son passé rappelait sa jeu­nesse insouciante et gaie ; puis, à vingt ans, son imprudent et délicieux mariage d’amour avec un bel officier, comme elle sans fortune, et qu’elle adorait. Malgré cette imprévoyance, elle avait eu quinze années de bonheur, d’un bonheur absolu, complet, que les difficultés relatives d’une situation modeste n’avaient pu gâter, la tendresse réciproque qui l’illuminait ayant tout doré de son rayonne-

  1. Un Bas-bleu, par Georges de Peyrebrune.