Page:Floran - Femme de lettres.pdf/9

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écrites, les ratures plus fréquentes, les surcharges plus serrées.

Mais, à ce moment, la porte de la rue, vivement ouverte, fut vivement refermée ; un bruit de pas emplit l’étroit corridor, puis des voix fraîches, des rires insouciants, le froufrou de jupes soyeuses. Une sensation de jeunesse passa dans l’atmosphère de la petite maison pour la réveiller de son silence de mort, comme, après l’hiver, un souffle de prin­temps vient tirer de son sommeil la vieille nature engourdie. Et, à cette impression, cessant encore son travail, Mme Tébesson sourit.

La porte du cabinet s’ouvrit alors, et la vision de jeunesse, de printemps et de joie y pénétra sous les traits de deux belles jeunes filles.

Elles coururent à leur mère et, l’une après l’autre, l’embrassèrent avec tendresse.

— Eh bien, dit celle-ci tout épanouie, leur ren­dant leurs caresses. Eh bien, mes chéries ?

Les repoussant un peu, elle leva l’abat-jour de la petite lampe pour mieux les regarder. Une expression de joie attendrie passa alors sur son visage, bien justifiée d’ailleurs par le charmant tableau qu’offraient les deux sœurs.

Jeannine, l’aînée, avait une vingtaine d’années : c’était une grande fille blanche, pure, sereine, qui donnait, aussi bien par sa peau de satin que par le port fier et chaste de sa tête fine, la vision d’un beau lis. On en devinait l’intangible pureté dans la limpidité calme de ses yeux d’un bleu de saphir et dans l’innocence du paisible sourire.

Elle se tenait debout, très droite, ses mains dans le petit manchon ruché de soie et de dentelles et, un bras passé sous le sien, la tête sur son épaule, dans un délicieux mouvement d’abandon et de câlinerie, s’appuyait sa jeune sœur Gillette.

Dix-huit printemps se lisaient sur le visage ingénu de la jeune fille, qui, non moins jolie que son aînée, en était entièrement différente. Plus