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RICHE OU AIMÉE ?

où gentiment elle lui fit sa part, elle s’en fut avec sa mère que sa tante voulait conduire elle-même à son appartement, André se prit à murmurer :

— Si elle avait seulement vingt mille francs de dente, celle-là !…

Le dîner ramena ces dames. Gisèle avait échangé son costume de voyage contre une petite toilette de mousseline rose serrée à la taille par un ruban de moire, — une robe de rien du tout, mais qui lui allait à merveille. — On aurait dit que la plaisante erreur de la jeune fille et les quelques mots, qu’en arrivant elle avait échangés à ce sujet avec André, avaient déterminé le ton de leurs relations et de leurs entretiens, car, se retrouvant, ils continuèrent tacitement leur joyeux marivaudage. Gisèle avait de l’esprit jusqu’au bout des ongles, de cet esprit gai, alerte, pétillant, plein d’à-propos, malicieux sans méchanceté, et piquant sans perfidie, qui est le plus agréable de tous ; André se plaisait à l’émoustiller et s’amusait beaucoup des réparties de la jeune fille qui, elle-même, semblait le trouver fort à son goût.

Mme de Vauteur ne disait rien, mais, parfois, son sourire, si doucement railleur, relevait un coin de sa bouche quand elle regardait les jeunes gens ; et, lorsque après le dîner, presque naturellement, tant leur sympathie mutuelle les attirait l’un vers l’autre, ils s’isolèrent près d’une fenêtre ouverte, admirant de loin le parc, le beau parc que le crépuscule noyait d’ombre, Mme de Vauteur, qui ne prêtait aux discours que sa belle-sœur lui tenait à mi-voix, qu’une attention fort limitée, prit son face-à-main en écaille, et profitant d’un moment où André et Gisèle, animés à causer, ne s’en apercevaient pas, elle les examina très attentivement. Puis elle hocha la tête en un geste de regret, laissa retomber son lorgnon, et se retourna vers sa belle-sœur, décidée, semblait il, à écoute ! an peu mieux ses confidences qui, pourtant, ne devaient guère l’intéresser, à en juger par le léger bâillement qu’elle étouffa dans les dentelles de son mouchoir.

Lorsque, vers onze heures, les voyageuses prirent congé de Mme de Vauteur, elle les laissa monter