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RICHE OU AIMÉE ?

Gisèle. Je ne sais si je vous étonnerai en vous disant que la fortune de ma famille était loin d’être considérable ; vingt mille francs de rente partagés entre nous cinq, vous le voyez, chaque lot n’était pas gros. J’eus, pour ma part, comme marraine, une obnne fée de ce monde, une amie de ma mère, qui, mourant, vers mes vingt ans, me légua toute sa fortune : ce château et soixante-dix mille francs de rente. J’ai épousé M. de Vauteur, qui en avait une soixantaine, comme votre pauvre mère ; vous voyez que ce n’est pas la misère. Aucun de mes frères ou sœurs n’avait donc de fortune, mais nous avions été élevés dans un milieu très simple, et personne n’en a, je crois, souffert. Paul s’est marié assez richement, mon beau-frère de Broment est colonel et a, de plus, une certaine situation pécuniaire. La moins favorisée, sous ce rapport, est ma sœur de Chamade, — mais c’est peut-être la plus heureuse. Mon frère Léopold était un charmant garçon, plein d’imagination, d’esprit, de sensibilité et de cœur. Vous dire que l’excès même de ses qualités ne l’entraîna pas à quelques erreurs, ce serait trop m’avancer, mais, enfin, il n’en commis qu’une irréparable : son mariage. Il était militaire, comme vous, un jour, dans une de ses garnisons, il rencontra Mlle Mathilde Thivas, fille d’un fonctionnaire honorable, sans fortune. Elle était alors très belle ; mon frère, malgré ses trente-cinq ans, s’en éprit comme un collégien et l’épousa. Tous, nous désapprouvâmes cette union : Léopold, avec son nom, sa tournure, son réel mérite, son grade et son petit avoir, pouvait prétendre aux meilleurs partis. Celui-là était détestable ; Mlle Thivas comptait vingt-huit ans et n’avait pour elle que sa beauté et une éducation très soignée, bien au-dessus de sa condition, mais qui avait eu le mauvais côté de lui donner des goûts et des habitudes dispendieuses. Tant que mon frère vécut, ses appointements lui permirent d’équilibrer son budget, tout en menant une existence assez large. Mais sa mort jeta ma belle-sœur, non seulement dans un grand chagrin, — car il faut lui rendre cette justice, elle aimait son mari, — mais encore dans un cruel embarras. Elle est venue