excusable orgueil que sa fille se trouvât, chez elle, au même niveau qu’en sa propre maison. Gisèle souriait un peu lorsqu’elle rencontrait, dans les escaliers et les corridors, les domestiques affairés, le plumeau ou le balai en main, empressés à arranger l’appartement de Mme la comtesse ; lorsqu’elle voyait, de loin, le cocher et le chauffeur passer la revue la plus minutieuse des voitures et de l’automobile, et, lorsque, par hasard, elle entendait un bout des longues conférences que sa tante avait avec sa cuisinière.
Quand elle était avec André, en ces circonstances-là, un mot spirituel ou piquant venait trahir son impression et il en riait avec elle.
— Vous rappelez-vous le conte de la princesse ? lui dit-elle un jour qu’ils croisaient, dans le vestibule, un domestique chargé d’un matelas ; il y avait trois pois dans sa literie, elle ne put dormir, car elle était de race ; il ne s’agit pas qu’il en arrive autant à « Mme la comtesse ».
Une autre fois elle appela le jeune officier.
— Aimez-vous les écrevisses ? lui dit-elle mystérieusement ; réjouissez-vous, on en aura deux fois la semaine, pendant un mois ! « {{Mme[la comtesse}}» les aime beaucoup, et vraiment on ne peut la condamner au seul et modeste ordinaire de Bloicy, pensez donc ! un potage, un relevé, une entrée, un rôti, un plat froid, sans compter les légumes ni l’entremets, il y a quoi de mourir de faim !
— Nous sommes loin du « bouilli », remarqua André.
— Trop loin !
— Vous n’approuvez pas tout cela, alors ?
— Soyons sincères, fit Gisèle, je le raille parce que je l’envie. Si j’étais à même d’en faire autant, je n’y manquerais pas.
Et elle se sauva en riant.
Quelques jours après, en jouant au croquet avec André, poursuivant sa boule dans un massif de rosiers, elle arracha sa robe, une charmante petite toilette de percale à fleurs.
Bon, s’écria-t-elle, je me suis mise en pièces !
Ce n’est pas réparable, fit André considérant
