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livre ii.

Cette herbe est malsaine et me tue ;
Ce trèfle est sans saveur, cette onde est corrompue ;
L’air qu’on respire ici m’attaque les poumons ;
Bref, je meurs si nous ne partons.
— Mon fils, répond le père, il s’agit de ta vie,
À l’instant même il faut partir.
Sitôt dit, sitôt fait ; ils quittent leur patrie.
Le jeune voyageur bondissait de plaisir ;
Le vieillard, moins joyeux, allait un train plus sage ;
Mais il guidait l’enfant, et le faisait gravir
Sur des monts escarpés, arides, sans herbage,
Où rien ne pouvait le nourrir.
Le soir vint, point de pâturage ;
On s’en passa. Le lendemain,
Comme l’on commençait à souffrir de la faim,
On prit du bout des dents une ronce sauvage.
On ne galopa plus le reste du voyage.
À peine, après deux jours, allait-on même au pas.
Jugeant alors la leçon faite,
Le père va reprendre une route secrète
Que son fils ne connaissait pas,
Et le ramène à la prairie,
Au milieu de la nuit. Dès que notre poulain
Retrouve un peu d’herbe fleurie,
Il se jette dessus : Ah ! l’excellent festin !
La bonne herbe ! dit-il ; comme elle est douce et tendre !
Mon père, il ne faut pas s’attendre
Que nous puissions rencontrer mieux ;