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XXIII
sur la fable.

incertitudes qui concernent les premiers écrivains de l’antiquité. Vous y verrez que cet Ésope si renommé par ses apologues, et que les historiens ont placé dans le sixième siècle avant notre ère, se trouve à la fois le contemporain de Crésus, roi de Lydie, d’un Necténabo, roi d’Égypte, qui vivait cent quatre-vingts ans après Crésus, et de la courtisane Rhodope, qui passe pour avoir élevé une de ces fameuses pyramides bâties au moins dix-huit cents ans avant Crésus. Voilà déjà d’assez grands anachronismes pour rejeter comme fabuleuses toutes les vies d’Ésope.

« Quant à ses ouvrages, les Orientaux les réclament et les attribuent à Lockman, fabuliste célèbre en Asie depuis des milliers d’années, surnommé le Sage par tout l’Orient, et qui passe pour avoir été, comme Ésope, esclave, laid et contrefait.

« M. Boulanger, par des raisons très plausibles, démontre à peu près qu’Ésope et Lockman ne sont qu’un. Il est vrai qu’il donne ensuite des raisons presque aussi bonnes, tirées de l’étymologie, de la ressemblance des noms phéniciens, hébreux, arabes, pour prouver que ce Lockman le Sage pourrait fort bien être le roi Salomon. Il va plus loin, et, comparant toujours les identités, les rapports des noms, les similitudes des anecdotes, il en conclut que ce Salomon, si révérée dans l’Orient pour sa sagesse, son esprit, sa puissance, ses ouvrages, était Joseph, fils de Jacob, premier ministre d’Égypte. De là revenant à Ésope, il fait un rapprochement fort ingénieux d’Ésope et de Joseph, tous deux réduits à l’esclavage et faisant prospérer la maison de leur maître, tous deux enviés, persécutés, et pardonnant à leurs ennemis ; tous deux voyant en songe leur grandeur future, et sortant d’esclavage à l’occasion de ce songe ; tous deux excellant dans l’art d’interpréter les choses cachées ; enfin tous deux favoris et ministres, l’un du Pharaon d’Égypte, l’autre du roi de Babylone.

« Mais, sans adopter toutes les opinions de M. Boulanger, je