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livre v.

Mon frère, répond-il (les aigles sont polis
Lorsqu’ils sont malheureux), que je vous trouve sage !
Combien votre raison, vos excellents avis
M’inspirent le désir de vous voir davantage,
De vous imiter, si je puis !
Minerve, en vous plaçant sur sa tête divine,
Connaissait bien tout votre prix ;
C’est avec elle, j’imagine,
Que vous en avez tant appris.
Non, répond le hibou, j’ai bien peu de science ;
Mais je sais me suffire et j’aime le silence,
L’obscurité surtout. Quand je vois des oiseaux
Se disputer entre eux la force, le courage,
Ou la beauté du chant, ou celle du plumage,
Je ne me mêle point parmi tant de rivaux
Et me tiens dans mon ermitage.
Si, malheureusement, le matin, dans le bois,
Quelque étourneau bavard, quelque méchante pie
M’aperçoit, aussitôt leurs glapissantes voix
Appellent de partout une troupe étourdie,
Qui me poursuit et m’injurie.
Je souffre, je me tais, et, dans ce chamaillis,
Seul, de sang-froid et sans colère,
M’esquivant doucement de taillis en taillis,
Je regagne à la fin ma retraite si chère.
Là, solitaire et libre, oubliant tous mes maux,
Je laisse les soucis, les craintes à la porte ;
Voilà tout mon savoir : Je m’abstiens, je supporte ;