Page:Florian - Oeuvres.djvu/196

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    Ah ! que voilà, bien mon affaire !
Dit-elle avec transport : dans ces sombres taillis
Je trouverai sans doute un désert solitaire ;
C’est un asile sur contre mes ennemis.
La voilà dans le blé. Mais, dès l’aube suivante,
    Voici venir les moissonneurs.
    Leur troupe nombreuse et bruyante
S’étend en demi-cercle ; et, parmi les clameurs,
Les ris, les chants des jeunes filles,
Les épis entassés tombent sous les faucilles ;
La terre se découvre, et les blés, abattus,
    Laissent voir les sillons tout nus.
Pour le coup, s’écriait la triste sauterelle,
Voilà qui prouve bien la haine universelle,
Qui partout me poursuit : à peine en ce pays
A-t-on su que j’étais, qu’un peuple d’ennemis
    S’en vient pour chercher sa victime.
    Dans la fureur qui les anime,
Employant contre moi les plus affrux moyens,
De peur que je n’échappe ils ravagent leurs biens :
Ils y mettraient le feu, s’il était nécessaire.
Eh ! messieurs, me voilà, dit-elle en se montrant ;
    Finissez un travail si grand,
    Je me livre à votre colère.
    Un moissonneur, dans ce moment,
Par hasard la distingue : il se baisse, la prend,
Et dit, en la jetant dans une herbe fleurie :
    Va manger, ma petite amie