Page:Florian - Oeuvres.djvu/216

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raison qu’il est amoureux, et que l’amour, qui ôte souvent l’esprit à ceux qui en ont, en donne infiniment à ceux qui, comme Arlequin, ne savent jamais qu’ils ont de l’esprit. Quant à sa façon d’aimer, elle est peinte dans la pièce. Le succès qu’elle a eu ne m’a point aveuglé sur le défaut du dénoûment. Le billet de loterie devrait rentrer dans les mains de sou vrai maitre par un moyen plus ingénieux que celui dont se sert Argentine : je le sais, et j’avoue en toute humilité que je n’ai pu en trouver un autre.

Dans le Bon ménage, Arlequin est marié depuis longtemps iI adore sa femme ; mais cet amour, le meilleur de tous, fondé sur l’estime et la confiance, doit être aussi tendre et moins galant que celui des Deux billets. Aussi ai-je fait mes efforts pour exprimer cette nuance, pour rendre le dialogue plus simple et plus naturel. Arlequin joue avec ses enfants, et cause avec sa femme ; l’esprit n’a rien à faire là. Deux époux bien unis, bien sûrs l’un de l’autre, ne font pas des madrigaux ; ils sont mutuellement, et sans avoir besoin de s’en avertir, l’objet constant de toutes leurs actions, de toutes leurs pensées : mais ils ne parlent point d’amour, cela va sans dire : ils s’aiment, puisqu’ils existent.

Quelques personnes ont trouvé mauvais qu’Arlequin pardonnât à sa femme avant qu’elle eût prouvé son innocence. Si c’est un défaut, on doit d’autant plus me le reprocher, que c’est pour ce défaut-là que j’ai fait la pièce.

Le Ron père est écrit d’un style plus élevé que celui des deux autres comédies ; j’ai peut-être à m’en justifier. Arlequin est devenu riche ; il vit à Paris dans la bonne compagnie : un homme de condition veut épouser sa fille ; il est impossible qu’il n’ait pas pris un peu du ton de ceux qui l’entourent. Il n’a plus son habit, il n’a que son masque : j’ai lâché de ne lui conserver de son ancien langage qu’en proportion de ce qui lui restait d’Arlequin.

Le grand défaut de ce petit ouvrage, c’est qu’Arlequin ne fasse point d’action principale qui caractérise précisément le bon père. Il pourrait s’appeler tout aussi bien l’honnête homme, et le dénoûment justifierait mieux ce dernier titre. J’en conviens ; et j’ai réparé, autant qu’il était en moi, cette faute eu multipliant les détails de tendresse paternelle, en représentant un père toujours occupé de sa fille, ne parlant que de sa fille, ne pouvant être heureux que du bonheur de sa fille. Je n’ose pas ajouter qu’un grand sacrifice, un beau trait d’amour paternel est peut-être moins difficile, et caractérise