Page:Focillon - L’Art bouddhique.djvu/162

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principe fondamental des antiques cités méditerranéennes, s’est élargi au Japon jusqu’à embrasser trois formes successives et superposées : la religion domestique (ancêtres de la famille), la religion de la communauté (ancêtres du clan), la religion nationale (ancêtres impériaux), c’est une question sur laquelle il n’y a pas lieu d’insister et qui a été très clairement étudiée par Lafcadio Hearn, entre beaucoup d’autres. L’essentiel, c’est que l’homme chemine dans la vie, surveillé par un cortège de morts.

Il était inévitable, d’autre part, que les forces naturelles, déchaînées dans un archipel volcanique assiégé par la mer, incessamment secoué par des convulsions terribles, fussent interprétées comme des forces divines. L’univers n’était pas seulement peuplé de la présence des morts, les esprits des puissances élémentaires y circulaient librement et y régnaient en maîtres.

On conçoit quel danger d’écrasement et d’annihilation morale peuvent courir des peuples si étroitement entourés par ces génies hostiles et par ces surveillants funèbres, à quelles pratiques de bas exorcisme, à quelles formules d’imploration confuse leur vie religieuse peut s’arrêter. Seules les élites humaines résistent aux terrifiantes suggestions de l’animisme. Loin d’être opprimé par elles, le génie japonais y a pris des forces pour se développer et pour s’élever. Les redoutables divinités du cataclysme ont reçu les honneurs qu’il fallait pour les apaiser, et l’imagination