Page:Focillon - L’Art bouddhique.djvu/180

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d’œuvre il avait alors produits dans la statuaire, encore toute pénétrée d’enseignement gréco-bouddhique, mais avec une note de spiritualité abstraite qui est l’apport même de l’Asie et du génie religieux de ce temps. À l’entrée de cette magnifique avenue de grandeurs qu’est l’art japonais ancien, les Triades colossales de bronze, les gigantesques Vairochanas dressés par la vénération de tout un peuple, sous l’impulsion personnelle des saints empereurs et des saintes impératrices, s’élèvent comme des génies protecteurs dont l’ombre s’étend au loin. Ombre pacificatrice, ombre pleine de prières et de bienfaits, qui se répand sur la méditation des sages et sur la religion naïve des masses et se prolonge sur des siècles d’invention esthétique. Art, non de primitifs qui cherchent en tâtonnant une formule, mais de générations en pleine maturité morale et technique, dans ce vaste domaine de l’est qui groupe étroitement Chine, Corée et Japon.

La période Hei-an, dernier chapitre de l’art « continental » au Japon, vit croître le nombre des dieux, sous l’influence de la secte Singon. Toute religion étant, aux yeux des maîtres de cette doctrine, un chemin vers la vérité, chacune d’elles mérite d’être étudiée comme méthode. Toute chose renfermant l’absolu, toute chose mérite d’être observée avec minutie. Le vice et la vertu sont d’égales émanations de l’existence, dont chaque remous porte un reflet de la divinité. Chaque dieu, chaque génie, chaque démon peut prendre place sur l’autel d’honneur du panthéon bouddhique.