Page:Focillon - L’Art bouddhique.djvu/19

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pas interdit d’interpréter dans un sens conforme à ces traditions les fameuses paroles d’Hokousaï : « À quatre-vingt-dix ans, je pénétrerai le mystère des choses ; à cent ans, je serai décidément parvenu à un degré de merveille, et, quand j’aurai cent dix ans, chez moi, soit un point, soit une ligne, tout sera vivant. »

L’idée de la vertu magique des images suffit-elle à expliquer d’une manière absolue les rapports de l’art et de la religion ? Le principe de la copie rendue identique à l’objet par un charme implique un élément d’inertie ou même de décadence pour les arts : la puissance du charme peut s’exercer sur des simulacres qui nont pas besoin d’être parfaits, si la conjuration est très forte, ou même sur des substituts très éloignés ; bien plus la conjuration peut, de toutes pièces, créer l’objet et se passer de son simulacre. Les peuples qui ont cru que la puissance du verbe était supérieure à la vertu des représentations figurées ont délibérément pris parti contre les images, mais ils n’ont pas pour cela renoncé à la magie. Même dans le monothéisme juif et dans le monothéisme islamique, elle a toujours fortement agi en sous-œuvre.

Mais l’animisme qui plaçait un dieu ou un démon dans les choses et plus particulièrement dans les puissances naturelles était amené à lui donner une forme, parce que le pouvoir d’abstraction de l’homme primitif était extrêmement limité. L’utilitarisme magique du chasseur de rennes a fait de lui un animalier exceptionnel. La peur du tonnerre, le culte du soleil, l’adoration des puissances cachées ont également excité l’homme à se