Page:Focillon - L’Art bouddhique.djvu/215

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antinomiques du génie asiatique, le Dragon de l’éternel changement, qui fait courir dans l’art les puissances galvaniques de la vie, le Bouddha de l’éternel repos, qui lui confère la solennelle gravité du style.

Ainsi se trouve également résolue la contradiction qui existe a priori entre une éthique de renoncement, fondée sur une philosophie du vide, et tout développement possible d’un art. Deux séries de facteurs agirent à cet égard sur le Bouddhisme : et d’abord les forces empruntées aux milieux ou propagées par les échanges, son rayonnement dans l’Inde même, chez un peuple romanesque et imagier, qui inventa et découpa les scènes de la légende ; l’influence de l’art méditerranéen, qui lui enseigna une plastique ; enfin le génie lyrique des riverains du Fleuve Bleu qui lui montrèrent, douées de vie et dignes d’amour, les formes changeantes de l’univers. D’autre part, le succès de certaines écoles modelait peu à peu ses capacités esthétiques : le mysticisme Tchen-yen, en multipliant les formes et les noms des dieux empruntés à d’autres panthéons, en s’attachant aux rites et aux cérémonies ; l’idéalisme naturaliste de la secte Tchhan, en faisant de l’ascétisme une discipline aristocratique, une méthode raffinée de vie, une communion avec la nature.

Grâce à cette souplesse puissante, le Bouddhisme a créé un art complet, je veux dire une manière d’interpréter la nature et l’énigme du monde qui intéresse toute l’humanité. Parti des leçons du paganisme méditerranéen, mais confiant à cette enveloppe le secret de