Page:Focillon - L’Art bouddhique.djvu/47

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porté, ravi, l’âme joyeuse, prit une poignée d’herbe agréable au toucher… »

À cette figure charmante de réalité familière, humaine, en succède une autre, monstrueuse et terrible, celle de Mara le Tentateur, dont Gautama subit les assauts avant d’arriver à la parfaite illumination. Vers le soir de cette journée d’épreuves, il en a triomphé, l’armée du Satan bouddhique se disperse. Assis sous le figuier sacré, Gautama reçoit la révélation, il connaît enfin les sources de la douleur du monde et le remède qui doit la guérir. Il se sent délivré du péché de convoitise, délivré du péché d’attachement aux choses terrestres, délivré du péché d’erreur, délivré du péché d’ignorance. Il a atteint la Sambodhi, la suprême sagesse. Il est le Bouddha, l’Éveillé, l’Illuminé.

Pendant sept fois sept jours, il se repose dans sa félicité, il s’en délecte, il l’approfondit. Le roi des serpents nagas veille sur sa joie mystérieuse et la protège : la tête capuchonnée du cobra s’épanouit au-dessus du Bouddha. Pareils aux mages de la Nativité chrétienne, les quatre rois Dévas, gardiens des points cardinaux, lui font l’offrande de quatre bols d’or, qu’il refuse par modestie, se contentant d’un bol de pierre. Il y prend un peu de riz pour réparer ses forces, épuisées par les austérités qui ont précédé l’illumination, et ce premier repas du Bouddha, c’est l’aumône de deux marchands du pays d’Orissa, cheminant en tête de leur caravane, et qui deviennent ses zélateurs, ses premiers disciples laïques.