Page:Focillon - L’Art bouddhique.djvu/68

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primitives ont pour âme, si l’on peut dire, le martyrium, l’âme architecturale et religieuse des chaityas, c’est le stupa, autour duquel on a creusé la montagne.

Peu à peu une complexité formidable prolonge et multiplie le système des temples souterrains exécutés par des architectes mineurs et carriers. On ne se contente plus de forer des galeries, on évide le roc pour y réserver, dans la profondeur d’une cour à ciel ouvert, la masse cubique du sanctuaire et, tantôt autour de ce sanctuaire même, tantôt au-dessus, se dressent des chapelles, des pavillons, des portiques, des piliers, des statues de dimensions colossales qui font corps avec le sol dans lequel ils sont bâtis et sculptés. On dirait que, de toute éternité, ces cités religieuses existaient endormies au cœur de la terre et que le ciseau de l’homme les a seulement dégagées de leur gangue. Pensée essentiellement bouddhique, union mieux que jamais réalisée de la matière et de l’esprit ! Tels sont les extraordinaires monuments d’Ellora, où, du vie au ixe siècle, le Bouddhisme, déjà en voie de décadence, accueillit largement les images du culte brahmanique et tout le fourmillement des antiques divinités de l’Inde, — Indra, Kali, Sarasvati, etc. Ainsi ce pêle-mêle de dieux envahisseurs, éternellement chers au cœur des masses, subjuguées par les confuses merveilles des légendes pouraniques, s’installe dans les temples rupestres et peu à peu s’en empare.