Page:Focillon - Vie des formes, 1934.djvu/100

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tinction native, même quand il a pour modèles de solides compagnons comme le gros Endymion Porter, et, de ces jolies filles, de ces aventuriers de la galanterie mondaine, il dégage cette fierté de trait, cette vaillance cavalière et jusqu’à cette mélancolie romanesque qui, d’abord, sont tout en lui et dont il marqua, comme d’un sceau charmant, les poètes et les capitaines. La fleur brillante de sa peinture y concourt, cette matière de prix, fine, fluide, cette gamme argentine, qui composent le plus délicat des luxes de la vue. Voilà le miroir qu’il tend au snobisme anglais, qui, désormais, pendant des générations à travers les changements de la mode, s’y reflète avec complaisance. Les modèles d’hier s’efforcent de ressembler aux portraits de jadis, et derrière ces images exemplaires, on croit deviner la présence invisible du conseiller secret.

Race et milieu ne sont pas suspendus au-dessus du temps. L’une et l’autre sont du temps vécu et formé, et c’est pourquoi ce sont des données proprement historiques. La race est un développement, soumis à des irrégularités, à des mutations, à des échanges. Le milieu géographique lui-même, sur son socle apparemment inébranlable, est susceptible d’être modifié ; quant aux milieux sociaux, leur inégale activité vit, elle aussi, dans le temps. C’est pourquoi le moment doit nécessairement jouer. Mais qu’est-il ? Nous avons montré que le temps historique est successif, mais qu’il n’est pas succession pure. Le moment n’est pas un point quelconque sur une droite, mais un renflement, un nœud. Ce n’est pas non plus le total additionnel du passé, mais le lieu de rencontre de plusieurs formes du présent. Mais y a-t-il un accord nécessaire entre le moment de la race, le moment du milieu et le moment d’une vie humaine ? Peut-être le caractère propre de l’œuvre d’art est-il de capter, de figurer et, dans une certaine mesure, de provoquer cet accord ? Il semble à première vue que nous touchions ici ce qu’il y a d’essentiel dans le rapport de l’art et de l’histoire. L’art apparaîtrait ainsi comme