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collection de monuments : par l’analyse rigoureuse des formes, ils l’ont défini comme style, c’est-à-dire comme succession, et même comme enchaînement. Une analyse identique nous montre que tous les arts peuvent être conçus sous l’espèce d’un style — et jusqu’à la vie même de l’homme, dans la mesure où la vie individuelle et la vie historique sont formes.

Qu’est-ce donc qui constitue un style ? Les éléments formels, qui ont une valeur d’indice, qui en sont le répertoire, le vocabulaire et, parfois, le puissant instrument. Plus encore, mais avec moins d’évidence, une série de rapports, une syntaxe. Un style s’affirme par ses mesures. Ce n’est pas autrement que le concevaient les Grecs, quand ils le définissaient par les proportions relatives des parties. Plus que la substitution des volutes à la moulure, dans le chapiteau, c’est un nombre qui distingue l’ordre ionique de l’ordre dorique, et l’on voit bien que la colonne du temple de Némée est un monstre, puisque, dorique par les éléments, elle est de mesures ioniques. L’histoire de l’ordre dorique, c’est-à-dire son développement comme style, est faite uniquement de variations et de recherches sur les mesures. Mais il est d’autres arts, où les éléments constitutifs ont une valeur fondamentale, l’art gothique par exemple. On peut dire qu’il est tout entier dans l’ogive, qu’il est fait d’elle, qu’il découle d’elle dans toutes ses parties. Mais on doit retenir qu’il y a des monuments où l’ogive apparaît sans engendrer un style, c’est-à-dire une série de convenances calculées. Les premières ogives lombardes n’ont rien donné en Italie. Le style de l’ogive s’est fait ailleurs, c’est ailleurs qu’il a enchaîné et développé toutes ses conséquences.

Cette activité d’un style en voie de se définir, se définissant et s’évadant de sa définition, on la présente généralement comme une « évolution », ce terme étant pris dans son acception la plus générale et la plus vague. Alors que cette notion était contrôlée et nuancée avec soin par les sciences biologiques, l’archéolo-