Page:Focillon - Vie des formes, 1934.djvu/22

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eu déchet ; nous ne connaissons pas toutes les fautes qui escortent dans l’ombre la réussite. On en trouverait sans doute des exemples dans l’histoire de l’arc-boutant, depuis le temps où il est mur dissimulé, échancré d’un passage, jusqu’à celui où il est arc, en attendant de devenir étai roidi. Au surplus la notion de logique en architecture s’applique à des fonctions diverses, qui coïncident en certains cas, dans d’autres non. La logique de la vue, son besoin d’équilibre, de symétrie, ne sont pas forcément d’accord avec la logique de la structure, qui n’est pas non plus la logique du pur raisonnement. La divergence des trois logiques est remarquable dans certains états de la vie des styles, entre autres dans l’art flamboyant. Mais il est légitime de penser que les expériences de l’art gothique, puissamment reliées les unes aux autres, rejetant hors de leur route royale les tentatives hasardeuses et sans avenir, constituent par leur séquence et leur enchaînement une sorte de logique formidable qui finit par s’exprimer dans la pierre avec une fermeté classique.

Si de l’ornement et de l’architecture nous passons aux autres arts et particulièrement à la peinture, nous voyons que la vie des formes se manifeste dans ces derniers par des expériences plus nombreuses, qu’elle y est soumise à des variations plus fréquentes et plus singulières. C’est que les mesures y sont plus exquises et plus sensibles, et que la matière même y sollicite d’autant plus la recherche qu’elle est plus maniable. Aussi bien la notion de style, s’étendant à tout avec unité et jusqu’à l’art de vivre, est-elle qualifiée par les matières et les techniques : le mouvement n’est pas uniforme et synchronique dans tous les domaines. Bien plus, chaque style dans l’histoire est sous la dépendance d’une technique qui l’emporte sur les autres et qui donne à ce style même sa tonalité. Ce principe, que l’on peut appeler loi du primat technique, a été formulé par M. Bréhier à propos des arts barbares, qui sont dominés par l’abstraction ornementale au détriment de la plastique