Page:Focillon - Vie des formes, 1934.djvu/36

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ont dégénéré dans leur forme et perdu leur puissante et paradoxale aptitude à vivre. Sur les claires murailles des Loges, leur élégance est sèche et fragile. Ce ne sont plus les ornements farouches, sans cesse torturés par les métamorphoses, qui s’enfantaient inépuisablement eux-mêmes, mais des pièces de muséum, arrachées à leur milieu natal, bien en évidence sur un fond vide, harmonieuses et mortes. Fond visible ou caché, support qui reste apparent et stable entre les signes ou qui se mêle à leurs échanges, plan qui se maintient dans l’unité et la fixité ou qui ondule sous les figures et se mêle à leurs courants, il s’agit toujours d’un espace construit ou détruit par la forme, animé, moulé par elle.

Mais, ainsi que nous l’avons déjà remarqué, spéculer sur l’ornement, c’est spéculer sur la puissance de l’abstraction et sur les infinies ressources de l’imaginaire, et il peut paraître trop évident que l’espace ornemental, avec ses archipels, leur littoral, leurs monstres, n’est pas l’espace de la vie et qu’il se présente, au contraire, comme l’élaboration de données variables. Il semble qu’il en aille tout autrement pour les formes de l’architecture et qu’elles soient soumises de la manière la plus passive, la plus étroite, à des données spatiales qui ne sauraient changer. Il en est bien ainsi, car, essentiellement et par destination, c’est dans l’espace vrai que s’exerce cet art, celui où se meut notre marche et qu’occupe l’activité de notre corps. Mais considérons la façon dont l’architecture travaille et dont les formes s’accordent entre elles pour utiliser ce domaine et, peut-être, pour lui donner une nouvelle figure. Les trois dimensions ne sont pas seulement le lieu de l’architecture, elles en sont aussi la matière, comme la pesanteur et l’équilibre. Le rapport qui les unit dans un édifice n’est jamais quelconque, il n’est pas fixe non plus. L’ordre des proportions intervient dans leur traitement, qui confère à la forme son originalité et modèle l’espace selon des convenances calculées. La lecture du plan, puis l’étude de l’élévation ne donnent qu’une