Page:Focillon - Vie des formes, 1934.djvu/41

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À quel règne, à quelle région de l’espace appartiennent ces figures placées entre la terre et le ciel et transpercées par la lumière ? Elles sont comme les symboles de cette transfiguration éternelle qui s’exerce sans cesse sur les formes de la vie et qui, sans cesse, en extrait pour une autre vie des formes différentes — l’espace plat et illimité des vitraux, leurs images transparentes, changeantes, sans corps, et pourtant durement captives d’un cerne de plomb, et, dans la fixité de l’architecture, l’illusoire mobilité des volumes qui s’accroissent avec la profondeur des ombres, les jeux de colonnes, le surplomb des nefs étagées et décroissantes.

Ainsi le constructeur enveloppe, non le vide, mais un certain séjour des formes, et, travaillant sur l’espace, il le modèle, du dehors et du dedans, comme un sculpteur. Il est géomètre quand il dessine le plan, mécanicien quand il combine la structure, peintre pour la distribution des effets, sculpteur pour le traitement des masses. Il l’est tour à tour et plus ou moins, selon les exigences de son esprit et selon l’état du style. En appliquant ces principes, il serait curieux d’étudier la manière dont agit ce déplacement des valeurs et de voir comment il détermine une série de métamorphoses qui ne sont plus passage d’une forme dans une autre forme, mais transposition d’une forme dans un autre espace. Nous en avons du moins aperçu les effets, lorsque nous évoquions une architecture de peintres, à propos de l’art flamboyant. La loi du primat technique est sans doute le facteur principal de ces transpositions. Elles s’exercent dans le domaine de tous les arts. C’est ainsi qu’il existe une sculpture exactement conçue pour l’architecture, ou plutôt commandée, engendrée par elle, et, de même, une sculpture qui emprunte ses effets à la peinture, et presque sa technique.

Nous avons eu à préciser ces idées, lorsque nous cherchions, dans un ouvrage récent, à définir la sculpture monumentale, pour préciser certains problèmes posés par l’étude de l’art roman.