Page:Focillon - Vie des formes, 1934.djvu/62

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matisme du « métier » ni la curiosité et les recettes d’une « cuisine », mais une poésie toute d’action et, pour conserver notre vocabulaire, même dans ce qu’il a d’incertain et de provisoire, le moyen des métamorphoses. Il nous a toujours paru que, dans ces études si difficiles, sans cesse exposées au vague des jugements de valeur et des interprétations les plus glissantes, l’observation des phénomènes d’ordre technique non seulement nous garantissait une certaine objectivité contrôlable, mais encore qu’elle nous portait au cœur des problèmes, en les posant pour nous dans les mêmes termes et sous le même angle que pour l’artiste. Situation rare et favorable, et dont il importe de préciser l’intérêt. L’objet de l’enquête du physicien et du biologiste est de reconstituer par une technique dont le contrôle est l’expérience la technique même de la nature, méthode non pas descriptive, mais active, puisqu’elle reconstitue une activité. Nous ne saurions avoir l’expérience pour contrôle, et l’étude analytique de ce quatrième « règne » qu’est le monde des formes ne saurait constituer qu’une science d’observation. Mais en envisageant la technique comme un processus et en essayant de la reconstituer comme telle nous avons la chance de dépasser les phénomènes de surface et de saisir des relations profondes.

Cette position méthodique ainsi formulée paraît naturelle et raisonnable, mais, pour la bien comprendre et surtout pour la conduire à tous ses effets, nous devons encore lutter, même en nous, contre les vestiges de certaines erreurs. La plus grave, la mieux implantée, dérive de cette opposition scolastique entre forme et fond sur laquelle nous n’avons pas à revenir. Pour beaucoup d’observateurs éclairés, attentifs à l’intérêt des recherches techniques, la technique reste, non pas un procédé de connaissance fondamentale, répétant un processus créateur, mais le pur instrument de la forme, comme la forme est le vêtement et le véhicule du fond. Cette restriction arbitraire mène nécessairement à deux positions fausses, la seconde pouvant être considérée