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Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/119

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voyant que je ne pouvois eviter par ma course sa rage, je m’asseure le courage, ainsi qu’avec iceluy nous surmontons tout peril. La main, qui sert de ministre au cœur, que feroit-elle alors en une necessité si urgente ? Perdroit-elle le temps, sans gratter sa rongne, et chercher au soleil des poulx en teste ? Donnez-en jugement selon vostre bonne equité : vous sçavez les ordonnances et statuts de la Table Ronde. Si j’ay tort, qu’on me donne la peine : si aussi j’ay raison, vous m’adjugerez le droit comme equitable Paladin. » Ce Baron fut fort emerveillé des propos de ce jeune enfant, et soudain pourpensa en luy-mesme qu’il seroit un jour un vaillant personnage. Puis, dit à ces sergens : « Il n’y a soubs le ciel personne qui soit de moindre valeur que vous. Quelle honte est-ce cy ? Tost, à qui est-ce que je parle ? Ostez ces cordes à cet enfant, et ne vous en faites point dire deux fois la cause, alin que n’appreniez, qui est Sordelle. » Le Prevost lui dit : « C’est nostre charge d’obeyr au Senat, et ne faisons ne plus ne moins que porte ses commandemens. » Pendant ceste controverse, au bruit d’icelle, le peuple s’amasse de toutes parts. Sordelle voulant bien conserver son honneur, et ne s’attaquer autrement avec cette canaille de sergens, il se tourne vers aucuns citoyens là presens, et avec soubriz dedaigneux tint ce langage : Ces sergens-cy sont grands poltrons, et rien que pouilleux : ce sont gens dignes de mourir avant que naistre, afin qu’ils ne mangeassent point aussi le pain, et avallassent aussi le vin sans l’avoir merité.

« La coustume de ces sergens n’est pas de combatre contre quelqu’un, s’ils ne le voyent sans espée. Car, si aucun leur fait teste se preparant à tirer l’espée, incontinent ces coquins se retirent comme font les poulets voyant le Faulcon. Mais, si un pauvre homme va de nuict par la ville, et porte avec soy, ainsi qu’est la coustume, quelque peu de lumiere, que font ces larrons, et avaleurs de merde ? Ils envoyent un des leurs devant, pour tuer la lu-