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Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/232

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LIVRE DIXIEME.


Cingar, aymant de tout son cœur Balde, toute la nuict ne fait que resver après luy, et, ayant bon courage, remuë tous les moyens en sa cervelle pour tirer hors de prison celuy qui estoit fils de Mars ; et dit à Berthe : « Je tireray Balde hors de prison ; ou bien je me feray tailler en plus de mille quartiers. » Et puis, la laissant fournie et garnie de ce qu’elle pouvoit avoir besoing, il s’en va par les bois, n’osant se monstrer, pour voler ce qu’il pourroit trouver, et proposant en soy-mesme mille inventions et subtilitez, pour mettre Balde hors du lieu où il estoit.

Cheminant par une forest, il rencontre d’adventure et void de loing venir vers luy en son chemin deux Cordeliers, lesquels se faisoient assez entendre par le tic toc de leurs galoches, qui coustumierement leur mangent le dessus du pied lequel ils tiennent nud. Iceux tiroient par le licol après eux un asne chargé de pain, et ne se pouvoit bien juger qui estoit d’entr’eux l’asne ; parce que l’asne et le Cordelier sont couverts de mesme poil. Cingar, les voyant près de soy, soudain prend avec les deux mains son voulge, avec telle contenance, comme s’il vouloit les tailler en quatre. Iceux promptement se laissent tomber sur leurs genoulx, crians pardon, et faisans mille croix. Cingar leur fait quitter l’habillement, ne leur laissant que le haut de chausses et le breviaire pour dire leurs vespres ; et, leur commandant de se retirer, il demeure seul avec ces habits et l’asne. Que fait-il ? En premier, il se couppe la barbe avec des ciseaux, et par suite