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Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/433

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LIVRE VINGT-DEUX.


Il est besoin, ô ma mule, de charger maintenant ton bast d’un lourd fardeau, lequel te fera suer et fienter, et en le portant te fera perdre l’haleine et le poil. O Grugne, monte avec moy, afin que nous chevauchions ensemble sur une mesme emble ; car il faut que nous achevions le voyage que nous avons encommencé. Encore que la corne des pieds de devant de ma monture soit mal ferrée, si faut-il haster le pas pour attrapper un Poëte, ce barbasse, ce vieillard, et ce gros et gras Poëte, que tu nous as dit tantost s’estre presenté devant Balde et ses compagnons. Mais, afin que d’un si excellent poëte, on aye pleine et entiere cognoissance, nous repeterons son histoire dès son commencement.

Il y a un lac en Italie, surnommé de la Garde, lequel fut chanté et celebré par ma sœur Gose, au temps que Gardon faisoit le degast sur le royaume de Monigue, et que le Pape Stinale presidoit à Rivoltelle. Du milieu de ce lac sourd un fleuve, lequel, vers la forteresse de Pesquiere, court viste par des pasturages et prez. Iceluy se nomme Minze ; et, abreuvant les murailles de Gode, vient puis après enclore les murs de Mantouë, et ressemble lors à l’Ocean, tant il se brave avec ses grosses ondes. Passant ainsi autour et par le dedans de ceste ville, il emmeine quant à soy les immondices et ordures de la ville : puis, au-dessous, il se resserre, et de là s’encourt pour rencontrer la grande forteresse de Governol. Avant toutesfois que de mer il se reduise en forme de fleuve, il