ls avoyent desjà cheminé en ces ombres obscures et
tenebreuses, par l’espace de cinq journées, quand ils se
veirent au bout et à l’extremité de la caverne, et ne peurent
passer plus avant, obstant une pierre de demesurée
grandeur et qui traversoit le chemin, tellement qu’ils furent
contraints retourner sur leurs pas, et refaire le chemin
qu’ils avoyent jà fait avec grand travail. Ils se trouvent,
par ce moyen, aussi estonnez que sont les fourmis,
quand, cheminans par leur route l’un après l’autre, avec
une longue suitte, sur une muraille, ou contremont un vieil
noyer, se baisans l’un l’autre, à la rencontre qu’ils font
montant et descendant, ils trouvent une ligne noire
qu’on aura faicte de charbon à travers leur chemin : car
lors ils s’arrestent tout court et s’amassent en une
trouppe reculans en arriere, et retournans sur leurs
pas. Balde advise sous ses pieds une pierre, laquelle il
fait lever par Fracasse. Iceluy, affermissant la plante de
ses pieds contre terre et roidissant les reins, l’enleve et
trouve dessous un puits profond. Ils prestent l’oreille
pour sçavoir s’ils oiroyent quelque bruit venant du fond
d’iceluy. Ils entendent un bruit d’une eau coulant entre
des pierres. Mais ils n’y peuvent rien veoir. Cingar s’offre
de descendre à bas, comme de faict il y descend se tenant
des mains et des pieds aux pierres d’iceluy, et estant au bas,
il trouve un lac ondoyant et entend un ruisseau s’escouler
à travers les feintes et fentes de la montagne. Il appelle
de là ses compagnons, tant qu’il peut crier, disant : O
compagnons, descendez par ceste eschelle d’enfer ? Tous