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Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/493

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disoit à ses compagnons : « Voyez, freres, comme Cingar est habile à ce mestier de battelier ? Certainement, et de forme, et de dexterité, il n’est gueres esloigné de Charon : voyez ses yeux terribles et sa face maigre. Qui le regarderoit, et ne jugeroit qu’il fust un diable ? — Il est ainsi, dit Boccal, c’est le visage d’un Chiozois, par lequel si vouliez envoyer argent à Venise, ô combien il seroit prest et diligent à recevoir ceste charge ! » Cingar respond : « Et toy, Boccal, en touchant des beufs, tu ne ferois pas bien le mestier de bouvier, en desrobant le lard et le salé gras, pour mettre en ta gorge, pendant que tu ferois semblant d’en frotter et oindre le fust de tes roues ? » Balde les oyant, leur dit : « Ho ! vous estes tous deux la saincte Aumosne. Baisez ceste rive : puisque le fleuve est passé. le sort est jetté, c’en est fait. » Mais, toy, Sorciere, laisse un peu ce travail en repos.


LIVRE VINGT-CINQUIEME.


Les Compagnons s’acheminoient le long du fleuve d’Acheron, vers la ville de Pluton, par des champs sabloneux et steriles, quand ils ouirent de loing un jeune adolescent, criant avec une voix pleine de larmes. Une vieille le suivoit, et le picquoit avec esguillons pointus. Comme une jeune tore, picquée par un cruel taon soubs la queue, se jette çà et là, court d’un costé et d’autre à travers les buissons, et est quelquefois secourue par son bouvier : ainsi ce jeune enfant court tantost deçà, tantost delà, sentant ceste vieille courir après ses espaules. Icelle a ses cheveux espars au vent, qui ne sont point cheveux,