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Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/99

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larmes, et avec belles prieres la recommande à Berthe, jusques à ce qu’il fut de retour par la grace de Dieu. Il veult, disoit-il, aller visiter le S. Sepulchre, suivant un certain veu qu’il avoit fait : et, ayant prins son mantean, son bourdon, et son chapeau, desloge. Ayant à grande peine ouvert l’huys de la maison, Balduine tombe à l’envers esvanouye, et devenue tout en glace, pour l’extremité de sa douleur, semble comme morte, et vouloir jetter son ame dehors : Berthe soudain lui deslasse le sein, mouille son visage avec de l’eau, et la remet en vie, et peu à peu appaise son marrisson avec douces et gratieuses remonstrances, et ne cesse de luy proferer aux oreilles mille parolles, aussi douces que sucre. Balduine, estendue sur le lict, le remercie gratieusement, et le prie, et supplie ne luy vouloir desnier une seule grace, s’il desire la conservation de son honneur, à sçavoir qu’il veuille l’espouser, et qu’il ne desdaigne de recevoir d’elle un anneau. « Ce sera le repos, dit-elle, de tous deux, et un doux soulagement ; m’espousant propre à enfanter des enfans, vous cognoistrez, que je ne soüillerai point vostre honneur. » Les propos de ceste chaste Damoiselle ne despleurent à Berthe, et s’y accorda, et pronicit faire tout ce qu’elle voudroit. Mais, voulant embarcquer une telle marchandise, il pensoit en soy mesme qu’il avoit besoing d’y employer premierement huict jours au moins, et que c’estoit une matiere, laquelle meritoit estre balancée et marquée au poids, et à laquelle il falloit s’acheminer par posades, et avec pieds de plomb. Une chatte soudaine produit souvent des chatons maigres et moribonds ; qu’icelle, disoit-il, se repose cependant cachée en la chambre ; car, dit-il, il ne veut estre du nombre de ces cornus, qui cherchent à engloutir de grands biens, la gueule bée ; plustost que de cognoistre les meurs de celle, qu’on leur veut donner pour espouse, et lesquels ne se soucient aucunement, et ne font aucun estat s’ils se lient par un neud marital à quelque diablesse, qui, par ses bruits et