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petite voiture traînée par son anesse Charlotte. Une indéfinissable inquiétude et une large sérénité enveloppent ce Poète ; ce n’est point en vain qu’une longue existence si purifiée par tant d’amour scrute les secrets de l’Infini.


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Devant cette vie et cette tâche, on peut juger que leurs tendances s’accordent, — l’ayant peut-être devancée, — avec la meilleure aspiration d’aujourd’hui.

Une œuvre est insuffisante en n’offrant à l’attention du lecteur qu’agréables tableaux ou chansons légères ; et de tels coupables abus sont presque responsables des préventions de futilité et de passe-temps qui blasphèment la Poésie, lorsque pourtant elle est essentielle comme la moins inadéquate mesure humaine du mystère. Osons apprécier en la poésie de M. Sully Prudhomme le relief des théorèmes philosophiques : et surtout en face d’une rhétorique aussi inadaptée à l’univers que la grandiloquence du verbe et de l’action romantiques, louons-le d’avoir rehaussé le culte de la pensée et par la sensibilité sentimentale et par la sensibilité intellectuelle. Ses vers obéissent à cet appel qui exclusivement ennoblit l’homme : la préoccupation du mystère, et, devant ce mystère, l’invincible devoir, pour comprendre, d’aimer.