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plupart des cas, à cause de la trop grande complexité des phénomènes ». Sur ces routes où la précision des savants se reconnaît déconcertée, d’autres méthodes apparaîtront de moins en moins invalables pour noter la rythmique universelle : les sensibililités de l’art. Des vers, des formes vivent aussi éternels que des notations numériques ; pourquoi attribuer plus de vérité à des théorèmes qu’à la Musique, à la Couleur ou au Verbe ? Le calcul des nombres, en ses impérieux raisonnements essence de toute autre science, n’a jamais manié et ne maniera jamais que des choses irréelles : « Quand, dit Taine dans L’Intelligence, nous fabriquons tel nombre, tel polygone ou tel cylindre, nous n’avons pas à expliquer son origine ; il n’existe pas en fait dans la Nature, il n’est que possible et non réel. Peut-être même avec une Nature arrangée comme celle que nous observons n’est-il pas possible, mais cela est indifférent ». Si un Poète légitimait ainsi la Poésie, quel Pécuchet ne le dédaignerait ! Et quel Bouvard ne se scandaliserait si tout autre que Claude Bernard avait énoncé : « Le Poète et le Romancier qui pour nous émouvoir, s’adressent à notre cœur, font des métaphores qui correspondent à des réalités physiologiques… Le savant puisera dans l’art une intuition plus assurée… J’ai la conviction que, quand la phy-