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LES LOIS DE LA CRITIQUE

être a-t-il eu tort, comme lui-même semble en convenir ; mais il n’en est pas moins vrai que son but a été d’exprimer le plus intelligiblement possible une idée qu’il jugeait vraie. Donc, quelle que soit l’obscurité apparente ou réelle des œuvres d’art, on peut affirmer que les auteurs se sont toujours proposé d’être aussi intelligibles que possible, dans la mesure où cette intelligibilité était compatible avec l’expression de ce qu’ils considéraient comme la vérité. Quant à ceux qui ont recherché de parti-pris l’obscurité pour l’obscurité (1), ils se sont mis en dehors des conditions normales de l’exercice de la raison, et l’appréciation de leurs œuvres ne relève par suite en quoi que ce soit de la critique d’art.

Mais, que les décadents et les symbolistes aient ou non le désir sincère d’être intelligibles, s’ensuit-il que l’expression verbale de leur pensée doive être obscure sous prétexte que cette pensée va à ce qu’il y a de mystérieux dans l’être universel ? Si oui, la loi que nous avons

(1) Cette façon d’attirer l’attention publique ne date pas d’hier, comme on pourrait le croire. Maxime du Camp (Souvenirs. T. I., p. 256) parle d’un livre qui fit quelque bruit dans sa jeunesse : Sémiramis la grande, journée île Dieu en cinq coupes d’amertume. « La préface, dit-il, est intitulée Porte cyclopéenne et d’introduction. La nuit, les mages écoutent les paroles qui, pendant le rêve, s’échappent des lèvres de la reine, elles gravent sur des tables d’or. La langue française ne suffit pas à l’auteur pour exprimer ses idées ou raconter les événements. Il emploie les caractères hébreux, arabes, chaldéens, coptes, hiératiques, égyptiens et cunéiformes ». Dans le même ordre d’idées, M. du Camp signale un autre livre, dû à un certain Forneret et intitulé : Sans titre par un homme noir blanc de visage.