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M. DE FONTANES

lequel je reviens, c’est le faible don que le poëte déçu donne à son pauvre semblable, plus déçu que lui : cette obole doit leur porter bonheur à tous deux. Cet accent du cœur dénote dans le poëte ce qui était dans tout l’homme chez Fontanes, une inépuisable humanité, une facilité plutôt extrême. Jamais il ne laissa une lettre de pauvre solliciteur sans y répondre : et il n’y répondait pas seulement par un faible don, comme on fait trop souvent en se croyant quitte ; il y répondait de sa main avec une délicatesse, un raffinement de bonté : Haud ignara mali. — On aime, dans un poëte virgilien, à entremeler ces considérations au talent, à les en croire voisines.

Les petites pièces délicieuses, à la façon d’Horace, nous semblent le plus précieux, le plus sur de l’hérilage poétique de Fontanes. Elles sont la plupart datées de Courbevoie, son Tibur : moins en faveur (somme toute et malgré le pardon de Fontainebleau) depuis 1809[1], plus libre par conséquent de ses heures, il y courait souvent et y faisait des séjours de plus en plus goûtés. Les stances à une jeune Anglaise, qui se rapportaient à un bien ancien souvenir, ne lui sont peut-être venues que là, dans cette veine heureuse. Pureté, sentiment, discrétion, tout en fait un petit chef-d’œuvre, à qui il ne manque que de nous être arrivé par l’antiquité. C’est comme une figure grecque, à lignes extrêmement simples, une virginale esquisse de la Vénusté ou de la Pudeur, à peine tracée dans l’agate par la main de Pyrgotèle. Il en faut dire autant de l’ode : Où vas-tu, jeune Beauté ; tout y est d’un Anacréon chaste, sobre et attendri. Fontanes aimait à la réciter aux nouvelles mariées, lorsqu’elles se hasardaient à lui demander des vers :

Où vas-tu, jeune Beauté[2] ? etc

  1. La défaveur cessant, il resta un refroidissement au moins politique, et ce fut un arrêt définitif de fortune.
  2. Voy. tome Ier, pag. 135.