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OEUVRES DE FONTANES.

Vient te chanter ; écoute, et frémis d’allégresse !
Oui : des chênes fameux qu’a fait parler la Grèce,
Les tiens, grâce à mes vers, obtiendront les honneurs.
Déjà, pour respirer, les ardents moissonneurs,
Rejetant autour d’eux leurs faucilles lassées,
S’endorment sur un lit de gerbes entassées.
L’étincelant midi rayonne dans les airs ;
La plaine est sans fraîcheur et les bois sans concerts ;
L’oiseau se tait perché sur la branche immobile.
C’est l’heure où Corydon, dans les bois de Sicile,
D’amoureuses fureurs agité vainement,
Sous des hêtres touffus exhalait son tourment ;
Et seule, autour de lui, sifflait l’aigre cigale.
Heureux qui maintenant suit la route inégale
De ces profonds taillis, de ces vastes berceaux
Partout entrecoupés de limpides ruisseaux,
Où le faon, reproduit au cristal d’une eau pure,
Admire de son front la naissante parure.
Tranquille, environné d’une épaisse fraîcheur,
Foulant de hauts gazons respectés du faucheur,
Du soleil irrité je brave l’inclémence.
Quel calme universel ! Je marche ; l’ombre immense,
L’ombre de ces grands bois sur mon front suspendus,
Vaste et noir labyrinthe où mes yeux sont perdus,
S’entasse à chaque pas, s’agrandit, se prolonge,
Et, dans la sainte horreur où mon âme se plonge,
Au palais d’Herminsul je me crois transporté.
Sous ce tronc gigantesque aurait-il habité ?
Ce long chêne aux cent bras, verdoyante colonne,
Peut-être a soutenu le temple de Dodone.