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LA FORÊT DE NAVARRE.

Dans la pourpre et l’azur, aux bords de l’Occident,
Ont à demi caché le soleil moins ardent ;
Il s’éloigne, il pâlit : ses derniers feux à peine
Dorent les hauts sommets du sapin et du chêne.
Des jours de la chaleur c’est l’instant le plus deux ;
La fraîche promenade invite au rendez-vous.
Déjà de tous côtés on arrive, on s’empresse
Vers ces jardins d’Hébé, frais comme leur déesse,
Vers cette ! le d’Amour qui mérita son nom.
La noble châtelaine a quitté le donjon,
Où des cieux trop brûlants elle évitait l’outrage ;
Un cercle adorateur la rejoint sous l’ombrage ;
Le bosquet se remplit, le salon est désert.
Le long de la chaussée, en ce sentier couvert,
Je vois, loin des remparts de la cité voisine,
Plus d’un couple amoureux qui sans bruit s’achemine.
Venez, belles, venez ! Zéphire est de retour ;
Des sylphes suspendus aux rameaux d’alentour,
Sur vos pas, en volant, font frémir la verdure ;
Leur souffle aérien dans votre chevelure
Et se glisse et folâtre, et, par un doux larcin,
Détache un nœud modeste et caresse un beau sein.
Voyez ces fils de l’air adorer vos vestiges ;
Des arbrisseaux, des fleurs aux odorantes tiges,
Des vallons rafraîchis, des prés reverdissants,
Partout, en votre honneur, ils vont cueillir l’encens,
Et des parfums du soir leur aile surchargée,
Les verse autour de vous sur la route ombragée.
Venez donc : perdez-vous dans ce nouveau Tempé,
Où, même en vous cherchant, Argus serait trompé :