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SUR M. DE FONTANES.

Il règne dans le Jour des Morts une mélancolie religieuse, pénétrante, pleine de charme, inconnue des anciens, jointe à la simplicité, à l’accord parfait de la pensée et de l’expression, qui caractérisent ces éternels modèles du goût ; c’est du Fénelon en beaux vers. Les stances, adressées au chantre des Martyrs (en 1810), alors persécuté par les plus injustes critiques, ne le cèdent en rien, ce nous semble, à ce que la muse de l’amitié inspira de plus touchant et de plus gracieux à Ovide parlant de Tibulle, à Horace écrivant à Virgile. Mais, si quelque chose put être encore plus flatteur que ces vers pour M. de Châteaubriand, ce fut l’envoi ingénieux dont Fontanes les accompagna. Quel était donc cet envoi ? Une critique de Télémaque en sept volumes, publiée depuis un siècle !

Quoique l’Ode sur la violation des tombeaux de Saint-Denis, ode remarquable par la verve et l’indignation poétique, n’ait été connue du public que par la lecture qui en fut faite dans la séance académique du 24 avril 1817, nous pouvons affirmer qu’elle était connue de Bonaparte avant qu’il eût eu le bon esprit de restaurer les tombes royales. On peut donc présumer qu’elle a contribué à cette restauration. Fontanes voulait plus ; il avait conseillé des autels expiatoires. Mais, comme l’a dit M. le prince de Talleyrand, et comme on a fait depuis, on recula devant la crainte de donner de l’humeur aux assassins.

Reprenons la vie de Fontanes où nous l’avons laissée, à la fin de 1789. La révolution à peine commencée de fait, mais de longue main préparée dans l’opinion, fit en peu de temps des progrès immenses, grâce à l’audace des novateurs aidée de la faiblesse du pouvoir. Tout ce qui n’était pas détruit était menacé de l’être. Quelques esprits sages et pleins de loyauté. mais un peu tard-voyants (si j’ose hasarder ce mot), résolurent d’opposer leur sagesse à la folie, et leurs écrits raisonnables au torrent des pamphlets furieux qui inondaient la France. Dans ce dessein, ils s’associèrent ceux des écrivains monarchiques qu’ils jugèrent les plus modérés dans leur opinion politique, tels que Suard et Fontanes. Ce dernier, de con-