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SUR M. DE FONTANES.

mes du peuple[1], quatre hommes grossièrement vêtus qui, semblables au paysan du Danube, retraçant au sénat de Rome les cruautés de ses préteurs et lui disant avec l’autorité du désespoir : Retirez-les, viennent, dans un discours énergique et adroit, demander au sénat régicide la cessation des massacres et le rappel de Collot-d’Herbois. Déjà les tyrans de la France. d’abord étonnés d’un pareil langage, se sentent en dépit d’eux émus de pitié pour leurs victimes. Le décret de rappel est rendu. Mais Collot-d’Herbois, instruit à temps du départ des députés lyonnais, arrive lui-même à Paris et fait rapporter le décret (séance du 21 décembre). Le chef de la députation est arrêté ; l’écrivain qui lui avait prêté son éloquence est deviné et menacé ; c’était Fontanes[2]. Il dut se dérober au danger. Madame de Fontanes et lui se retirèrent à Sevran, près de Livry, chez madame Dufrénoy leur amie, femme d’un talent poétique élégant et naturel, où ils vécurent paisiblement jusqu’au 9 thermidor.

Bientôt après, la Convention créa l’Institut, qu’elle composa d’abord d’écrivains, de savants et d’artistes pris, comme de raison, dans son propre sein, tels que Lakanal, Fourcroy, David, etc., auxquels furent successivement adjoints les plus grands noms scientifiques et littéraires de l’époque. Fontanes alors ne fut point oublié. On le nomma de plus professeur de belles-lettres à l’école centrale des Quatre-Nations.

Une heureuse réaction politique et littéraire s’opérait dans les esprits, mais elle marchait lentement : il fallait y aider par le moyen de la presse périodique. Quoique déjà plus d’une

  1. Sain-Rousset. Changeux, Chanssat et Prost. Ce fut Changeux qui porta la parole. De ces quatre hommes de cœur il n’existe plus aujourd’hui que MM. Sain-Rousset et Prost.
  2. Nous racontons en peu de mots cet incident. Voyez, pour les détails, le Moniteur et les journaux d’alors, mais principalement le Journal de l’Anarchie, publié en 1821, par M. le chevalier de Langeac, au récit duquel nous avons emprunté quelques expressions ; voyez aussi l’éloquent discours de réception de M. Villemain à l’Académie française.