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ŒUVRES DE FONTANES.

Tous les yeux sont en pleurs, toutes les voix gémissent.
Seulement j’aperçois une jeune beauté
Dont la douleur se tait, et veut fuir la clarté :
Ses larmes cependant coulent en dépit d’elle ;
Son œil est égaré, son pied tremble et chancelle ;
Hélas ! elle a perdu l’amant qu’elle adorait,
Que son cœur pour époux se choisit en secret :
Son cœur promet encor de n’être point parjure.

 Une veuve, non loin de ce tronc sans verdure,
Regrettait un époux, tandis qu’à ses côtés,
Un enfant qui n’a vu qu’à peine trois étés,
Ignorant son malheur, pleurait aussi comme elle.
Là, d’un fils qui mourut en suçant la mamelle,
Quelque Rachel en deuil ne se consolait pas,
Et sur la pierre étroite elle attachait ses bras.
Ici, des laboureurs au front chargé de rides,
Tremblants, agenouillés sur des feuilles arides,
Venaient encor prier, s’attendrir dans ces lieux
Où les redemandait la voix de leurs aïeux.

 Quelques vieillards surtout, d’une main languissante,
Embrassaient tour-à-tour une tombe récente.
C’était celle d’Hombert, d’un mortel respecté,
Qui, depuis neuf soleils, en ce lieu fut porté,
Il a vécu cent ans, il fut cent ans utile.
Des fermes d’alentour le sol rendu fertile,
Les arbres qu’il planta, les heureux qu’il a faits,
À ses derniers neveux conteront ses bienfaits :
Souvent on les vanta dans nos longues soirées.