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SUR M. DE FONTANES.

morables événements à l’histoire. Il faut l’avouer, si les rentes étaient payées et si on avait de l’argent, rien ne serait plus intéressant au fond que d’assister aux grands spectacles que vous allez donner au monde : l’imagination s’en accommode fort, si l’équité en murmure un peu… Vous aimez les lettres et les arts ; c’est un nouveau compliment à vous faire. Les guerriers instruits sont humains ; je souhaite que le même goût se communique à tous vos lieutenants…

« J’aime fort les héros, s’ils aiment les poëtes… »


« Suivez vos grands projets, et ne revenez surtout à Paris que pour y recevoir des fêtes et des applaudissements. »

Nous ne savons pas si le général Bonaparte eut connaissance du Mémorial et de cette lettre curieuse. Il s’en serait sans doute amusé. Mais le Directoire la lut et ne s’en amusa pas. Quinze jours après, arriva le 18 fructidor, véritable Saint-Barthélemi des journalistes, où furent compris les trois rédacteurs du Mémorial. Condamné à la déportation, Fontanes fut de plus rayé de l’Institut ainsi que l’abbé Sicard et M. de Pastoret, depuis chancelier de France. Craignant de compromettre les amis qui lui donnèrent asile dans les premiers moments du danger, il se réfugia en Angleterre. C’est là qu’il retrouva M. de Châteaubriand qu’il avait connu à Paris vers la fin de 1790. Il faut lire, dans M. de Châteaubriand lui-même[1], comment les deux exilés renouèrent cette amitié constante, inaltérable, qui a fait l’honneur et le charme de leur vie, quelles touchantes consolations leurs entretiens apportaient incessamment à leurs douleurs communes, et avec quelle noble franchise l’homme de génie, que Fontanes eut le premier la gloire de deviner, proclame les obligations qu’il eut à l’homme de goût.

Enfin brumaire vint ; le général Bonaparte monta au Ca-

  1. Voyez l’Essai sur la Littérature anglaise, t. II, p. 286.