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ŒUVRES DE FONTANES.

L’un d’eux, sous la tour même où s’impriment mes pas,
Dans ce donjon témoin de sa fureur jalouse,
Fit jadis enfermer sa malheureuse épouse.
Jeune et belle, on la vit, dans le choix d’une erreur,
Consulter moins son rang que le vœu de son cœur.
Hélas ! comme un forfait sa faiblesse est punie ;
Loin des pompes du trône un décret l’a bannie.
Hier tout l’adorait, tout la fuit en ce jour ;
Des fers sont sa parure, un cachot est sa cour.
Elle gémit vingt ans sur ce roc enchaînée.
Quel abandon ! Quel deuil ! Ô reine infortunée !
À l’heure de ta chute où sont tes courtisans ?
Que ta grandeur passée accroît tas maux présents !
Tu rencontres partout l’œil de l’ingratitude.
Te voilà seule : en bien ! jusqu’en ta solitude
De farouches regards insulteront tes pleurs ;
La pitié fuit ton nom. Le cri de tes douleurs
Fatigue en vain les murs de cette sombre enceinte,
La porte inexorable a repoussé ta plainte.
Tu vivras sans secours, tu mourras sans amis.

 Ah ! lorsqu’à ces revers les trônes sont soumis,
L’homme obscur a-t-il droit de fuir la loi commune ?
Tous ces augustes fronts courbes par l’infortune,
L’échafaud de Bouleyn, des Stuarts, des Capets,
De mes destins cachés me font bénir la paix.
À l’éclat d’un haut rang combien je la préfère !
Heureux, qui, jusqu’au soir, tranquille et solitaire,
Sur les restes épars de ce fort démoli,
Médine, en contemplant le vallon d’Andely !