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LES PYRÉNÉES.

J’étais fier de toucher ces cimes orgueilleuses,
 Où l’intrépide montagnard
 Tente des courses périlleuses
 Sur les pas du rapide izard[1]
Au-dessus de la terre, en ces hautes retraites,
Venez, suivez mes pas, ô peintres et poëtes !
 Là mon vers ennemi de l’art,
 Dans un capricieux délire,
 S’échappe et résonne au hasard
 Sur tous les modes de la lyre.
Le génie en ces lieux plus librement respire,
Et d’un goût trop timide ose braver la loi ;
 Les aigles planent près de moi
 Et je partage leur empire.
Majestueux sapins qui, bravant les frimas,
Croissez dans le séjour des neiges, des tempêtes,
Je vous ai dominés, et je vois sous mes pas
 S’humilier vos derniers faites.
Ces pics où croit à peine un stérile gazon,
 Et sous qui s’abaissent les nues,
 De toutes parts à l’horizon
 Viennent m’offrir leurs têtes nues.
De sommets en sommets je monte, et par degré
S’élève au-dessus d’eux celui du Marboré.
Sauvage Marboré, terrible Gavarnie,
Des fleuves dans ton sein caches-tu le Génie ?
Là haut, sur ces frimas amassés par l’hiver,
A-t-il voilé son front des noirs brouillards de l’air ?

  1. L’isard est le chamois des Pyrénées.