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LA MAISON RUSTIQUE.

N’avez-vous hérité que d’un ingrat domaine ?
Il doit vous plaire encor : le travail et la peine
Vous le rendront plus cher ainsi qu’à vos aïeux ;
Plus fourrage a coûté, plus il rit à nos yeux ;
Le vieillard du Galèse, en un sol infertile,
Aux palais des rois même égalait son asile.

 Le terrain est choisi : vous l’ornerez sans art.
Dans le hameau voisin s’offriront au hasard
Mille décorateurs de votre enclos rustique ;
Des artistes fameux dédaignez la critique.
Le manœuvre, en vos champs nourri dès le berceau,
Sait élever la plante, aligner l’arbrisseau,
Prête aux buveurs l’abri d’un plane ou d’une treille,
A côté du parterre ouvre un toit à l’abeille,
Dirige une eau féconde, et, par des soins constants,
Charge de fruits l’automne, et de fleurs le printemps.
Eh bien ! il trace alors une image fidèle
Du jardin dont Virgile esquissa le modèle.
C’en est assez pour vous, car vos champêtres dieux
D’un éclat étranger ne sont point envieux.
Vous ne chercherez point sous les brûlants tropiques
Ces arbres ignorés des poëtes antiques ;
Et qu’avez-vous besoin que, des champs du midi,
Une nouvelle Flore, au pinceau plus hardi,
Vienne orner à grands frais vos humbles avenues
D’un luxe de couleurs dans nos champs inconnues ;
La Flore de l’Europe est-elle sans appas ?
C’est aux champs paternels, où s’égarent vos pas,