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ŒUVRES DE FONTANES.

De leur système outré qui ne voit l’imposture ?
Trop vaine ambition ! Ah ! peut-être comme eux,
J’admire la nature en ses sublimes jeux ;
Mais, si je veux jouir de ses grandes images,
Je m’écarte, je cours au fond des bois sauvages.
Alpes, et vous Jura, je reviens vous chercher !
Sapins du Mont-Anvers, puissiez-vous me cacher !
Que le vaste horizon devant moi s’agrandisse,
Que la cascade roule, et de loin retentisse,
Et que le bois vieilli pende au roc escarpé !
Là, du fond de son autre en grondant échappé,
Dans de larges ravins qu’à longs flots il sillonne,
Le fongueux Arveyron bondit, tombe et bouillonne,
Rejaillit et retombe, et, sur ses bords errant,
L’aigle mêle sa voix au fracas du torrent.
Je m’élève : à mes pieds l’éclair luit, les vents grondent,
Les tonnerres lointains sourdement se répondent.
Sombre dieu de l’hiver ! j’ai foulé ces sommets
Sous ton sceptre de glace engourdis à jamais ;
Et plus bas, j’ai revu le printemps et l’automne
Au seuil de ton palais suspendant leur couronne.
Oh ! lors qu’abandonnant ces informes beautés,
Mon regard retrouva, près des lieux habités,
Aux pentes des vallons les pas de la génisse,
Le chalet qui s’élève au bord du précipice,
Et d’un peuple pasteur les asiles heureux,
Et les champs du Valais consacrés par Saint-Preux
Où de Julie encor les amoureux vestiges
Doublent l’enchantement d’un pays de prodiges ;
Quand de ce pur Léman je découvris les flots ;