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LA MAISON RUSTIQUE.


 Eh bien ! osons du moins imiter son ouvrage,
Et des lieux qu’elle aimait reproduire une image.
Un verger coûte peu : celui que j’ai tracé
Ne convient point au luxe, à l’orgueil insensé ;
Il doit suffire au sage, il est simple et fertile,
Et pourra plaire encore aux muses de Sicile.

 Mais La Fontaine a dit : les jardins parlent peu.
Il y veut un ami : conduisez-le en ce lieu.
Ah ! pour animer tout, il vous faut vos semblables.

 Sachez donc ménager des aspects agréables,
Qui vous montrent les champs, les vignes, le hameau
Et la route où le char tremble sous son fardeau.
Près de vous, loin de vous, l’œil charmé se promène ;
Contemplez ces lointains, ces coteaux, cette plaine :
Quand avril reparaît, quand le jour renaissant
Se glisse à travers l’ombre, et l’efface en croissant,
La féconde génisse abandonne l’étable,
Mugit, et du hameau nourrice inépuisable,
Broutant jusqu’à la nuit un gazon ranimé,
Grossit le doux trésor de son lait parfumé ;
L’œil la suit dans ces bois, dans ce noir labyrinthe
Où de ses pieds pesants s’approfondit l’empreinte.
Sur le haut de ce mont, voyez-vous le chasseur
Des brouillards du matin traverser l’épaisseur ?
Lorsque tout est muet dans la ferme assoupie.
Il veille avant le jour, il attend, il épie
Le lièvre aux pieds légers qui, caché dans ces bois,
Au vol du plomb brûlant échappa tant de fois.
Mais, hélas ! foudroyé par une main trop sûre,