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M. DE FONTANES

par malheur outre janséniste. Le digne curé, au lieu de tirer parti de cette jeune âme volontiers heureuse, sembla s’attacher à la noircir de terreurs : il envoyait son élève à la nuit close, seul, invoquer le Saint-Esprit dans l’église ; il fallait traverser le cimetière, c’étaient des transes mortelles. M. de Fontanes y prit le sentiment terrible du religieux ; pourtant l’imagination était peut-être plus frappée que le cœur. Le curé ne se bornait pas aux impressions morales, il y ajoutait souvent les duretés physiques ; et le pauvre enfant, poussé à bout, s’échappait, un jour, pour s’aller faire mousse à La Rochelle ; on le rattrapa. M. de Fontanes, en sauvant l’esprit religieux, conserva toute sa vie l’aversion des dogmes durs qui avaient contristé son enfance. S’il défendit le calvinisme dans son discours qui eut le prix à l’Académie, c’était au nom de la tolérance, par un sentiment de convenance domestique et d’équité civile ; mais il n’en sépara jamais dans sa pensée les longs malheurs que lui avait dus sa famille, de même qu’il associait l’idée de jansénisme au souvenir de ses propres douleurs. Dans son Jour des Morts, il a grand soin de nous dire de son humble pasteur :

Il ne réveille pas ces combats des écoles,
Ces tristes question qu’agitèrent en vain
Et Thomas, et Prosper, et Pélage et Calvin.


Une telle enfance menait naturellement M. de Fontanes à placer son idéal chrétien dans la religion de Fénelon.

Ses études se firent ainsi de neuf ans à treize, en ce village appelé La Foye-Mongeault, entre Niort et La Rochelle. Il ne les termina point pourtant sans suivre ses hautes classes aux Oratoriens de Niort, d’où sortait son frère aîné ; et celui-ci, poëte lui-même, dans leurs promenades aux environs de la ville et le long des bords de la fontaine Du Vivier, l’initiait déjà au jeu de la muse. Il perdit ce frère chéri en 1772. Puis, dans l’intervalle de la mort de son père (1774) à celle de sa