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LA GRÈCE SAUVÉE.

FRAGMENTS.


Début du troisième chant : suite du récit d’Agénor.


 Déjà fuyait la nuit, et l’aurore attristée,
Éclairant à regret la terre ensanglantée,
Vient montrer, dans ces lieux que le sang a couverts,
Tout ce que la victoire enfanta de revers.
Ainsi que les vaincus, les vainqueurs en gémissent ;
Quel spectacle ! nos yeux de larmes se remplissent,
Quand, au milieu des morts sans ordre confondus,
Nous voyons nos amis sur le sable étendus.
Une obscure poussière indignement les souille ;
Mais le Persan du moins n’aura point leur dépouille ;
Elle reste en nos mains, et leurs derniers débris
Entendront les regrets de ceux qu’ils ont chéris.
Ô devoirs à la fois consolants et funestes !
De nos concitoyens les héroïques restes,
Tournés vers l’occident, d’une eau sainte arrosés
Sur un bûcher commun sont déjà déposés.
Nous livrons à ce feu qui va les mettre en cendre
Leurs traits, leurs boucliers qui n’ont pu les défendre
Et leurs vêtements même, humides de nos pleurs ;
Nous y jetons du lait et du miel et des fleurs,
Tribut accoutumé, qui, sur le noir rivage,
Des morts reconnaissants doit hâter le passage,
Et du sombre monarque apaiser le courroux.