Page:Fontanes - Œuvres, tome 1.djvu/461

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
334
ŒUVRES DE FONTANES.

« De toi même, ô Cérès ! nos aïeux ont reçus.
« Sous la terre, six mois, Proserpine enfermée,
« Revole dans les bras de sa mère charmée ;
« Comme elle, après l’exil, puissions-nous te revoir
« Dans ces lieux où Cécrops a fondé ton pouvoir ;
« Et qu’ici le Dieu Terme, affermi sur la pierre,
« Toujours dompte à tes pieds la discorde et la guerre ! »
Ils chantaient, et le Ciel applaudit leurs concerts.

 Cependant le soleil, se perdant sous les mers,
Laisse à peine du jour échapper quelque reste.
La nuit descend, la nuit sur le dôme céleste
Déroule un noir manteau, d’étoiles parsemé.
Éleusis montre enfin son vallon renommé.
On se hâte, et du temple on atteint les portiques :
On voit, sous le parvis, dans leurs danses mystiques,
Des prêtresses en deuil s’arracher leurs bandeaux,
Bondir, tourner en cercle, agiter des flambeaux,
Et telles que Cérès, dans leur fureur divine,
Par de saints hurlements appeler Proserpine.
Ces brandons allumés, qui remplacent le jour,
Passent de main en main, repassent tour à tour,
Et la flamme en courant, d’une flamme suivie,
Brille, fuit, et revient, image de la vie.

 Enfin l’hiérophante à l’autel est monté ;
Nul n’approche avec lui cet autel redoute.
Il invoque Cérès, et sa fille, et son gendre.
Sous la terre un bruit sourd bientôt se fait entendre,
Et d’un nuage épais le temple est obscurci.