Aller au contenu

Page:Fontanes - Œuvres, tome 1.djvu/536

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
409
POÉSIES DIVERSES.

Or, devinez les gens que va choisir son goût,
Pour dissiper du Roi les sombres rêveries,
Elle cherche à grands frais, elle achète partout
Des Geais, des Perroquets, des Merles et des Pies.
Tous ces oiseaux sans art, qu’on admit à la cour.
Étaient les protégés du Hibou, du Vautour.
L’Aigle bailla plus fort à ce concert bizarre ;
Il se mit en fureur, car l’ennui rend barbare.
 Au Vautour il mordit le cou,
Exila le Faucon, et força le Hibou
De remettre sa place et de fuir dans son trou ;
Même dans sa colère il maudit la musique,
Et le chant et les vers, tous les beaux arts enfin ;
 Puis s’en va, tout mélancolique,
 Chasser au fond du bois voisin.
Tout se taisait. Du fond de leur vaste silence
 Une voix divine s’élance ;
L’Aigle surpris s’arrête, il écoute enchanté,
Cherche les lieux d’où sort un si touchant ramage,
 Et voit, dans un nid écarté,
Le plus modeste oiseau caché sous le feuillage :
C’était le Rossignol : il voit l’Aigle et s’enfuit.
 (Le génie est un peu sauvage).
 L’Aigle aussitôt vole et le suit,
 L’approche et lui tient ce langage ;
« Pourquoi ne viens-tu pas habiter mon séjour ?
« Des soins de la grandeur, toi seul peux me distraire. »
— « Ah ! dit le Rossignol, Sire, qu’irai-je y faire ?
« Le Hibou me hait trop, et je crains le Vautour. »
— « Je te défendrai bien de leurs serres cruelles.